Fallon baissa la vitre de la petite auto et le vent lui fouetta le visage. Il faisait beau, elle était heureuse. Elle regarda son amour qui conduisait en tapotant le volant en rythme avec la musique. Il lui sourit et mis sa main sur son genou.
Les fois où elle avait emprunté cette route avec ses parents lui revinrent en mémoire; maintenant, elle faisait le même voyage avec l’amour de sa vie. Fallon se sentait si chanceuse d’avoir trouvé l’amour si jeune. Ça devait être ça, se sentir adulte.
Ils s’étaient rencontrés dans un foyer d’accueil pour jeunes sans-abri à Thunder Bay. Dès qu’elle l’avait vu, elle avait su qu’il était autochtone, et elle lui avait demandé de quelle nation il était.
« Je sais pas, j’ai été adopté, » lui avait-il répondu. Depuis ce moment-là, il semblait attiré par elle, par ce qu’elle savait sur les Autochtones. Ils sont vite devenus inséparables, et elle l’avait soutenu quand un gang de rue essayait de le recruter. Ils sont tombés amoureux, et, même s’il était son premier chum, Fallon était certaine que c’était pour la vie.
« On devrait y être avant la tombée de la nuit, [GG1] » dit-il en passant la pancarte qui indiquait la distance jusqu’à Toronto. Il alluma une cigarette et lui fit un signe de la tête.
Elle sourit et admira son profil, sa mâchoire prononcée. Elle lui caressa doucement la nuque. Elle le dévorait des yeux, c’était lui et elle contre le monde entier.
« Qu’est-ce qu’y a? » lui demanda-t-il, la voyant pensive.
« Mon père… » La voix de Fallon s’affaiblit et des larmes roulèrent sur ses joues pendant qu’elle racontait la conversation qu’elle avait eue au téléphone pendant que David faisait le plein.
« Il était en colère? »
« Non, il a pleuré, c’est tout. »
« Oh, babe, je suis désolé, c’est presque pire que crier ».
« Pour lui, oui, c’est pire. »
Fallon remonta en pensée le chemin qu’ils avaient parcouru, et ne put s’empêcher de penser à la famille qu’elle laissait derrière elle.
Elle regarda un moment les éclats de verre sur le tapis, côté passager, et était contente que sa famille ne sache pas à quoi elle était mêlée à ce moment précis. Elle n’avait jamais enfreint les règles, jamais rien volé en tout cas, mais ils avaient dû fuir de toute urgence quand ils ont appris que la police s’apprêtait à venir arrêter David.
L’idée d’être séparée de lui était insupportable. Elle alluma une cigarette à son tour, son estomac se nouait. Elle se surprit à chercher des yeux les voitures de police.