Matière à réflexion

La semaine dernière, en me rendant au travail, j’ai croisé le chemin de deux hommes déterminés à attirer mon attention à tout prix, apparemment. Pendant que je m’éloignais d’eux, ils ont commencé à me siffler et à me crier après. J’ai accéléré le pas, faisant semblant de ne pas les entendre. J’espérais qu’ils comprendraient le message et abandonneraient, mais pas de chance, ça ne fut pas le cas.

Soudainement, le plus imposant des deux courait à côté de moi, faisant des commentaires sur mon apparence et me proposant de porter mes sacs. Le deuxième larron semblait avoir disparu, et ça me rendait encore plus nerveuse. J’ai tenté de distancer celui qui m’avait emboité le pas.

Curieusement, il n’y avait personne aux alentours qui aurait pu me venir en aide en cas de besoin. Pourtant, c’était le milieu de la matinée, et d’habitude, il y avait beaucoup de monde dans la rue à cette heure-là.

Bon, je sais que certaines personnes pensent « pourquoi étais-tu aussi inquiète? Il te faisait juste un compliment! ». Mais la vérité, c’est qu’il était très agressif, et qu’il ne tenait aucun compte de ma réaction.

J’ai continué d’accélérer le pas, mais il me suivait toujours, me disant que j’étais jolie et me demandant sans arrêt si je le trouvais beau. Comme il insistait pour avoir une réponse, j’ai répondu poliment qu’il avait l’air « pas mal » et j’ai couru pour traverser la rue, en talons hauts s’il-vous-plaît, pour rentrer dans l’édifice de mon bureau, en sécurité. Heureusement, il ne m’a pas suivie à l’intérieur.

La violence peut prendre des formes très différentes. Non, cet homme ne m’a pas touchée, mais son comportement, qu’il en ait eu conscience ou non, était violent. En choisissant de fermer les yeux sur mon malaise et en me « collant » comme il l’a fait, il a fait preuve d’une certaine violence; peut-être pas aux yeux de tout le monde, mais certainement aux yeux de quiconque a été victime de violence sexuelle, ou de n’importe quelle forme de violence, en fait.

Malheureusement, en tant que femme autochtone au Canada, je sais que je suis trois fois plus susceptible de subir des violences, et cinq fois plus susceptible d’être assassinée, que les femmes non autochtones. Je le SAIS, les statistiques ne sont PAS de mon côté.

Je repense à cet incident très souvent depuis, et, au départ, j’étais surtout effrayée. Maintenant, je suis en colère.

Vous vous demandez peut-être pourquoi :

Je suis en colère parce qu’un homme a eu le pouvoir de m’effrayer.

Je suis en colère parce qu’une femme ne peut jamais se sentir tout à fait en sécurité lorsqu’elle marche dans la rue, même en plein jour, tabar…

Je suis en colère parce que cet homme pensait qu’il avait le droit de me traiter comme il l’a fait.

Je suis en colère, parce que plusieurs personnes ont ri de ma situation et de ma peur.

JE SUIS EN COLÈRE parce qu’il y a encore des gens dans ce pays qui ne comprennent pas l’impact que TOUTES les femmes autochtones disparues ou assassinées au Canada ont sur CHACUNE d’entre nous, DANS NOTRE PROPRE PAYS!

JE SUIS EN COLÈRE PARCE QUE J’AI PEUR, SIMPLEMENT PARCE QUE JE SUIS QUI JE SUIS, une femme autochtone au Canada.

J’ai une fille, et je ne veux pas qu’elle grandisse avec cette même peur au ventre.