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Surmonter l’héritage familial : troisième partie

April 14, 2016
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Par Trevor Jang

Il y a plus de 18 ans qu’une surdose a emporté mon père, et ma douleur n’a pas disparu. Je pense qu’elle sera toujours présente. Mais, elle a changé.

J’aime bien comparer la douleur du deuil aux vagues de l’océan. Et vers la fin de mon adolescence, jeune adulte, pendant cinq ou six ans, quand mes difficultés étaient à leur paroxysme, ces vagues de douleur étaient aussi imposantes que des montagnes. Elles étaient écrasantes, accablantes et suffocantes. Elles me frappaient de plein fouet, l’une après l’autre, sans me laisser le temps de respirer. Je me noyais dans quelque chose que je ne pouvais pas comprendre, et dont je ne pouvais pas voir le bout.

Mais aujourd’hui, la mer est plus calme. Les vagues ne sont pas aussi hautes et elles ne déferlent pas sur moi, elles sont simplement de passage. Et en général, je les vois arriver de loin. Elles surgissent autour de Noël, parce que l’anniversaire de mon père était le 22 décembre. Et elles reviennent autour de mon anniversaire, qui est une semaine avant la fête des Pères. Mais, je m’y attends, et je peux m’y préparer.

Je pense encore à lui tous les jours. Mais dernièrement, ces pensées n’étaient pas teintées de tristesse. Par exemple, il y a quelques mois, quand je suis tombé sur deux ex-petites amies le même jour, j’ai imaginé qu’il était probablement en train de se moquer de moi… et qu’en fait, il avait sûrement arrangé le hasard.

Je ne pleure plus sur le passé non plus. À la place, je fais le deuil de l’avenir. J’éprouve la même tristesse en pensant à toutes les choses qu’il va manquer, que je ressentais en revoyant quelques souvenirs flous que j’ai de lui. Il ne verra pas les grandes étapes de ma carrière. Si je me marie, ce sera sans lui. Si j’ai des enfants, ils ne verront jamais leur grand-père. Ça m’attriste. Même si je n’ai jamais eu la possibilité de mieux le connaître, mon père me manque tout de même.

Désormais, j’avance dans la vie avec les outils que j’ai acquis. Je pourrais épiloguer sur tout ce que j’ai fait pour m’aider à aller mieux. Mais, je crois que c’est plus simple de vous raconter une histoire qui illustre mon parcours vers la guérison.

L’année dernière, pour la première fois, j’ai participé à une cérémonie de la tente à suer, la première d’une série de cinq. Ce n’est pas une pratique Wet'suwet'en, mais c’est quelque chose qui m’a toujours fasciné. L’idée selon laquelle on retourne dans le ventre de la Terre mère dans la sueur et qu’on s’y abandonne est une leçon d’humilité et une expérience stimulante. Au cours de la première cérémonie, j’ai écrit une lettre à mon père et je l’ai brûlée. Puis je lui ai offert, ainsi qu’au Créateur et à mes ancêtres, du tabac, et j’ai prié pour que le message lui parvienne (j’espère au moins qu’il s’est roulé une cigarette!).

Dans la tente à suer nichée sous des saules, entouré d’un groupe de personnes qui elles aussi cherchaient la voie de la guérison, j’ai pénétré dans un autre monde. Au son des tambours, des chants, le torse nu couvert de vapeur brûlante… je l’ai vu. Je l’ai vu bien plus clairement que dans n’importe lequel des souvenirs flous de ma mémoire. Je l’ai vu avec ma grand-mère. Ils me faisaient signe. Ils souriaient. Ils étaient heureux.

C’était un gardien du calumet cri, un guérisseur, qui menait la cérémonie. Et le cinquième jour, il a décidé de me donner un nom de cérémonie. Quand j’ai demandé lequel, il m’a répondu qu’il fallait attendre un signe.

C’était une journée ensoleillée sans un nuage dans le ciel. Juste avant d’entrer dans la cabane, deux aigles sont passés au-dessus de nous. Ils ont tourné au-dessus de nos têtes pendant quelques minutes, de plus en plus bas, plus bas que le vol normal des aigles. Puis ils sont partis.

Après la cérémonie, le guérisseur a décidé de m’appeler « Two Eagles Flying », « deux aigles en vol ».

Alors, où j’en suis dans ce périple fou, drôle, déprimant, chaotique, passionnant qui est ma vie? Je suis porté par les vagues, mes mains élancées vers l’horizon, deux aigles volant devant moi. C’est mon père et ma grand-mère; ils me montrent le chemin de l’avenir.

Trevor Jang est journaliste pour Roundhouse Radio.  

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