La caravane « Justice for the Peace » du Traité 8 n’est pas une première : des Autochtones se sont déjà rendus à Ottawa à plusieurs reprises, à pied, en voiture et en avion, pour demander la justice et le respect de leur droits territoriaux traditionnels auprès d’anciens premiers ministres, ministres et députés.
Le 13 septembre, la caravane a commencé son voyage du retour, plus de 4 000 km pour rentrer dans le nord-est de la Colombie-Britannique, avec un arrêt à Ottawa. Elle avait traversé le Canada pour sensibiliser le public aux enjeux du procès intenté en opposition au barrage hydro-électrique du Site C sur le territoire du Traité 8 en Colombie-Britannique, notamment ses implications quant aux droits des nations concernées par le traité et aux relations entre le gouvernement fédéral et les Premières nations. Le procès a été entendu par la cour fédérale à Montréal le 12 septembre.
Depuis des générations, des délégations autochtones traversent le pays en quête de justice et pour demander que les promesses qui leur ont été faites au moment de la signature des traités soient tenues. En tant que peuple, nous avons fait ce sacrifice pour notre eau potable, pour nous foyers, pour nos enfants et, en fin de compte, pour nos vies. Nous avons laissé nos enfants à la maison après leur avoir expliqué pourquoi nous devions partir, renoncer à nos conforts familiers, donner de notre temps, de notre énergie et de notre argent.
Cette année, 2016, devait être différente, Il y avait un nouveau « père » aux commandes sur la Colline parlementaire, le premier ministre Justin Trudeau, qui semblait vouloir faire table rase du colonialisme paternaliste hérité des Pères de la Confédération. Trudeau a parlé de relations de nation à nation, et ses paroles ont donné espoir à d’innombrables personnes autochtones. Moi-même, j’y ai cru. J’ai fait personnellement deux voyages à Ottawa cette année pour dénoncer les violations flagrantes de mon territoire ancestral causées par la destruction due au barrage hydro-éléctrique du Site C.
J’ai 28 ans, j’appartiens aux nations Dane Zaa et Nehiyaw, et j’ai un fils de huit ans. Je suis travailleuse sociale et je défends activement mon territoire, parce que je crois à la guérison pour nos nations. Je suis de nature timide, mais j’ai appris à me faire entendre, par la force des choses. Je crois dans les propriétés guérisseuses de la terre, parce que j’en ai bénéficié. Mon passé de violence, de dépendance et d’agressions sexuelles font que je ne devrais pas être encore en vie aujourd’hui, mais je suis toujours là, et ces épreuves m’ont rendue plus forte. Ce sont ces épreuves qui m’ont appris à me concentrer sur l’essentiel : l’amour, les gens, les cérémonies, la guérison et l’eau. J’ai reçu en cadeau la vie et la guérison; voilà pourquoi je dois prêter ma voix à cette cause.
Devoir sans cesse me battre pour la reconnaissance de nos choix dans le cadre de mégaprojets comme celui du Site C me met en colère, parce que toute cette énergie pourrait être mieux utilisée pour avancer, pour guérir et pour faire les changements dont devraient pouvoir profiter les générations futures. Mais ces efforts soutenus ne nous divisent pas. Au contraire, nous avons trouvé en nous la force de guérir et de nous décoloniser nous-mêmes. Nous comprenons notre rôle et nos responsabilités en tant que peuples autochtones, et savons que nous devons réveiller le « guerrier » en nous pour améliorer le quotidien de nos pairs. Ces défis, tout comme les épreuves que traversent tant de nos frères et sœurs, nous rendent plus forts.
Nous sommes toujours là. Nous disons toujours « non » aux projets qui menacent notre identité. Nous avons fait entendre nos voix à vos portes, et nous allons hausser le ton.
Helen Knott est travailleuse sociale et auteure de la Première nation de Prophet River; elle vit à Fort St. John, C.-B.. Elle fait partie des nombreuses personnes qui ont fait le voyage à travers le pays avec la Caravane Justice for the Peace du Traité 8.