Actrice, mannequin, personne influente, leader, activiste, Miss Univers. Ashley Callingbull a détenu plusieurs titres au cours de sa vie mais il y en a un qu’elle chérit plus que tout autre, et il ne fait pas partie de ceux mentionnés plus haut. Ashley Callingbull est une survivante. Cette jeune femme de 28 ans de la Nation crie d’Enoch en Alberta a toujours été ouverte au sujet de son passé abusif et elle désire continuer de se servir de son expérience comme source d’inspiration pour les autres.
« J’ai été élevée à la dure. C’était difficile. Même tragique. C’était une lutte constante mais j’ai réussi à la gagner. Nous vivions dans la pauvreté. Le partenaire [de ma mère] à l’époque prenait tout ce qui nous appartenait. J’avais un manque de confiance en moi. [L’abus] a débuté lorsque j’avais 5 ans. Je ne pouvais distinguer entre ce qui était bien et ce qui était mal. Lorsque nous nous sommes finalement échappées [j’avais environ 11 ans], nous sommes allées chez ma grand-mère [à la Nation crie d’Enoch]. En grandissant, j’avais de la difficulté à faire confiance à qui que ce soit. J’ai été en colère pendant longtemps. Je me haïssais. Je pensais que tout était de ma faute. »
Ashley est renommée davantage pour son titre le plus populaire, Miss Univers, qu’elle a gagné en 2015. Elle était la première femme autochtone canadienne à gagner ce titre. Aujourd’hui, elle préfère être reconnue comme une voix forte sur les enjeux autochtones. Elle dit : « J’ai pensé, comment puis-je surmonter une telle chose? Quelque chose de tellement traumatisant que cela m’a brisée. » Ashley raconte qu’après qu’elle et sa mère se soient échappées du partenaire abusif, elle a commencé à passer plus de temps avec ses grands-parents, qui lui ont enseigné davantage par rapport à sa culture et la médecine traditionnelle autochtone. « La culture qui m’appartient, c’est ce que je peux apporter avec moi partout où je vais, et je crois que c’est ce qui me rend plus forte. »
Ashley a une passion pour le changement qui n’a pas été forgée uniquement par ses propres expériences. Elle affirme que de voir et d’entendre les expériences d’autres femmes autochtones au Canada l’ont marquée profondément. « Je trouve ridicule que nous ne soyons pas traitées de façon équitable. Pour le gouvernement, nous ne sommes pas aussi importantes que d’autres femmes dans ce pays. Puisque je suis à Edmonton, j’en entends parler sans cesse. J’entends parler de comment certaines amies de mes amies ont été portées disparues. C’est épeurant. Ça ne cesse d'empirer. »
Un jour, le déclic s’est fait pour elle : « Je ne voulais plus souffrir. C’était bizarre d’avoir un bon lit chez ma grand-mère, si on compare avec un matelas sur le plancher. Je ressentais que le vent commençait à tourner. J’ai pensé : ‘Personne ne va m’aider vraiment. Ma famille est là pour m’accompagner, mais je suis la seule à me rendre capable de m’en sortir’. J’ai pensé : ‘Je vais commencer l’école. Je ne veux plus jamais être pauvre. Je ne veux jamais ramasser des bouteilles. Je ne veux jamais être battue et violée.’ » C’est à ce moment qu’Ashley a décidé de poursuivre une carrière d’actrice. Elle affirme : « La raison pour laquelle je voulais devenir actrice est triste : J’ai toujours voulu être quelqu’un d’autre que moi-même. »
Bien sûr, la carrière d’actrice a pris une autre tournure pour Ashley mais il n’y a aucun doute que la décision de poursuivre cette carrière et la culture l’a sauvée; « [La carrière d’artiste] m’a aidée à exprimer mes émotions autrement. J’ai participé à des sueries et des cérémonies, et je ressens que [ma culture] m’a aidée aussi. J’ai dû grandir très vite. Je ne me suis jamais sentie enfant mais maintenant, c’est formidable d’être moi-même. »
Ashley concentre ses efforts maintenant à être une inspiration pour les autres, et à aider les femmes et les jeunes autochtones. « Cela me rend heureuse de les voir sourire et rire, et de les voir réussir. Je crois que ce que j’ai à raconter et la vie que j’ai vécue sont pertinents. J’ai eu beaucoup de colère et de blessures, pendant des années. Je ne m’en suis pas remise instantanément. Je suis toujours sur un chemin de vie de rétablissement et la manière pour moi de guérir, c’est d’aider les autres. »