Après près de deux semaines d’occupation, avec arrestations et grèves de la faim, certains croient que les entretiens sur le conflit de Muskrat Falls vont enfin dans le bon sens.
Andrea Andersen, une femme inuite de Makkovik, au Labrador, et la représentante des jeunes au conseil d’administration de l’Association nationale des Centres d’amitié, était dans le feu de l’action à Muskrat Falls. Elle a indiqué que la résolution du conflit Muskrat Falls après une rencontre entre le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et des dirigeants autochtones, qui s’était fait attendre depuis longtemps, était positive.
Andersen a dit à Nouveaux débuts qu’elle avait rejoint les manifestants, parce que beaucoup de gens se préoccupaient du risque associé aux niveaux élevés de méthylmercure, mais que ni le gouvernement provincial ni la société Nalcor ne semblaient vouloir aborder ces questions.
« Je voulais m’assurer que quelque chose soit fait à ce sujet et que ce soit fait correctement. »
QUEL EST L’ENJEU DU CONFLIT?
Le projet de barrage hydroélectrique de Muskrat Falls se trouve à environ 30 kilomètres de Happy Valley-Goose Bay au Labrador, lequel appartient à Nalcor Energy et à la province de Terre-Neuve-et-Labrador. On entend parler d’opposition et de préoccupations au sujet de l’infrastructure du site, par exemple, depuis le lancement du projet. Même le PDG actuel de Nalcor est d’avis que ce projet n’aurait jamais dû aller de l’avant. Plus récemment, la hausse potentielle de méthylmercure à des concentrations dangereuses et toxiques a suscité des préoccupations auprès de groupes autochtones et de membres de la communauté locale.
La prochaine étape du projet consiste à inonder un réservoir pour le barrage. La végétation et la terre végétale contiennent du mercure, et lorsque le sol sera inondé, le méthylmercure sera déversé. De nombreux membres de la communauté craignent que la faune – les poissons par exemple – ne soit contaminée par le méthylmercure et que les concentrations deviennent trop élevées pour la consommation.
« C’est le commentaire du gouvernement qui a rendu les gens furieux. Il a dit en fait que si les concentrations étaient aussi élevées, les gens ne pourraient plus consommer ces espèces animales et qu’il indemniserait alors les peoples autochtones de la région, » a mentionné Andersen.
« Ce n’est pas ce que les gens veulent. Ça ne les intéresse pas d’être indemnisés parce qu’ils ne peuvent pas chasser ni pêcher sur leurs terres ancestrales. C’est leur mode de vie qui est le plus important à leurs yeux. »
Il existe une solution simple : défricher pour enlever les plantes et la terre réduirait considérablement le risque de dispersion de concentrations élevées de méthylmercure dans l’environnement.
COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ À L’OCCUPATION?
Au début, il y a eu quelques ralliements et quelques protestations devant les bureaux du ministre de l’Environnement. La fin de semaine d’octobre prévue pour l’inondation, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées pour manifester sur le site même du barrage. Mais certains manifestants étaient d’avis que ces protestations n’étaient pas assez efficaces et qu’il fallait interrompre les travaux à Muskrat Falls jusqu’à ce que Nalcor et le gouvernement provincial arrêtent de faire la sourde oreille, mentionne Andersen.
« Le lendemain matin, nous étions une dizaine à la barrière principale. Nous l’avons bloquée et avons empêché des centaines de personnes de se présenter au travail. »
Elle a ajouté que c’était la première fois que trois groupes autochtones du Labrador, à savoir la Nation innue, le gouvernement du Nunatsiavut et le conseil de la communauté NunatuKavut, se rassemblaient et durant la journée, des centaines de personnes sont venues démontrer leur appui.
Selon Andersen, les gens estiment que le gouvernement fédéral a fait preuve d’un manque de leadership flagrant et qu’Ottawa aurait pu faire des efforts pour régler le conflit.
« Muskrat Falls est un parfait exemple où [le Premier ministre Justin Trudeau] aurait pu démontrer aux Canadiens que, oui, je tiens à créer une meilleure relation inter nation, » a-t-elle ajouté.
ET MAINTENANT?
Le premier ministre de la province, Dwight Ball, a finalement accepté de rencontrer des dirigeants inuits pendant une séance marathon de 11 heures, durant laquelle le gouvernement a accepté de prendre des mesures pour résoudre des enjeux clés du projet, y compris effectuer une évaluation indépendante plus poussée du projet, créer un comité spécial pour examiner des moyens de réduire la contamination au méthylmercure et considérer un meilleur défrichage du réservoir Muskrat Falls.
Il reste cependant beaucoup de travail à faire pour tirer au clair le cauchemar logistique que présente la poursuite du projet.
Mais Andersen estime que la démarche a des points positifs et que c’est un pas dans la bonne direction.
« Il est évident qu’on ne peut plaire à tout le monde dans cette affaire. Le projet est beaucoup trop avancé pour qu’on y mette fin. Le dommage est fait et nous voulons tout simplement que les interventions se fassent en concertation. »
Source d'image: makemuskratright.com